Description 
L’Analyse morphologique de la sculpture africaine est une idée ancienne : Carl Einstein, dès 1915 la suggérait et l’utilisait pour réfléchir sur l’esthétique nègre. Il voulait dégager, derrière un ensemble cohérent de formes, des réalités permettant de dévoiler le milieu original des oeuvres. Bien que peu de résultats élaborés aient été publiés, le but de cette recherche est donc double : d’abord déterminer des ’tendances stylistiques particulières’ (s’il en existe) dans le corpus fan qui nous est proposé ; ensuite, étudier ces styles en les reliant au contexte ethnographique. La première démarche est l’esthétique puisqu’elle traite des formes seules et même archéologique, vu l’ancienneté de certaines pièces : les « byéri » fan ne sont presque plus utilisés de nos jours car l’art fan est un art disparu, ou plutôt un art mort, figé dans une immobilité désormais irréversible. La seconde démarche est ’ethnologique’ dans la mesure où elle essaie de resituer les styles dans une réalité vécue, disparue certes mais dont on se souvient encore. Cette étude scientifique du style de la statuaire rituelle des Fang du Gabon n’est donc pas révolutionnaire, ni dans son objet, ni dans sa méthode. Elle a été effectuée sur 272 objets à partir de pièces provenant de nombreuses collections publiques et privées ou sur photographies. Deux séjours de 20 mois passés au Gabon de découverte du langage et de vérification in situ seront nécessaires à Louis Perrois pour justifier en matière d’ethnographie fan et gabonaise les deux phases de recherche complémentaires de la méthode ethnomorphologique, à savoir :
1- L’étude morphologique qui repose sur l’observation et l’analyse rigoureuse de chaque pièce permettant ainsi de décomposer les ’Byéri’ selon trois éléments de construction principaux qui sont les proportions du tronc par rapport à la hauteur totale de la pièce associées à celles de la tête et du cou.
2- L’étude ethnologique, basée sur l’enquête de terrain et à une recherche bibliographique, qui confronte les éléments d’identification morphologique recueillis selon une classification et une codification bien précise en fonction des détails relevés sur chaque ’Byéri’ permettant de regrouper les principaux styles ethniques (Betsi et Ntumu) par affinité et de les comparer entre eux.
Remarquons cependant que l’étude de la statuaire fan – à l’exclusion des masques -, si elle peut être considérée comme relativement complète sur le plan morphologique, ne prétend pas l’être sur le plan plus généralement esthétique. C’est seulement la première approche systématique du problème : elle devrait être complétée par une étude plus large de l’univers esthétique fan qui comporte de multiples facettes (musique, littérature, rythme entre autres) et doit être considéré comme un tout logique. Toutefois la confrontation d’un grand nombre de pièces homologues et leur étude détaillée a permis l’établissement d’un catalogue de référence qui pourrait servir de base à des investigations d’ordre plus générale (tant sur un plan de l’ethno-esthétique gabonaise que de l’art africain tout entier) et des développements qui n’ont pas de place dans le cadre délibérément limité de ce travail.